Recebido: 30-12-2021 | Aprovado: 07-02-2022
Judicaël Alladatin, Université Mohammed VI Polytechnique, Maroc (judicael.alladatin@um6p.ma)
Abel Borori, Boutique des sciences et des savoirs Siabanni,
Bénin
Augustin Gnanguenon, Université Mohammed VI Polytechnique,
Maroc
Appoline Fonton, Université Mohammed VI Polytechnique, Maroc
Como referenciar este artigo:
Alladatin, J., Borori, A., Gnanguenon, A., & Fonton, A. (2022). Évaluation
d’impact des cantines scolaires sur les performances et la rétention
scolaires au primaire: Cas du Bénin.
RevistaMultidisciplinar, 4(1), 171–196.
https://doi.org/10.23882/rmd.22089
Resumo: Résumé : Cette étude évalue l’impact des cantines scolaires sur les performances et la rétention scolaires des élèves béninois au niveau de l’enseignement primaire. Les données utilisées proviennent de l’enquête PASEC-2014 réalisée sur un échantillon représentatif de 3033 élèves du CM2 et de 732 élèves du CP. La méthode d’appariement sur score de propension (Propensity Score Matching) a été utilisée pour évaluer l’impact des cantines sur les performances des élèves en lecture et en mathématique et sur la rétention scolaire. Les résultats obtenus révèlent que les cantines ont un impact positif significatif sur les performances des élèves en lecture et en mathématiques. Ces résultats mettent en évidence le rôle primordial des cantines scolaires dans la rétention des élèves ainsi que l’impact globalement négatif des cantines sur l’abandon scolaire. De plus, les cantines améliorent plus les performances scolaires des élèves du privé comparativement à ceux des écoles publiques, même si elles semblent contribuer plus à la rétention des enfants des écoles publiques que ceux des écoles privées. Ce résultat suggère un besoin d’investigation approfondie des effets différenciés des types de cantines scolaires et d’autres facteurs socio-économiques sur les performances et la rétention scolaire.
Mots clés : impact, cantines scolaires, performances, rétention scolaire, élèves
Abstract: This study assesses the impact of school canteens on the performance and school retention of Beninese students at the primary level. The data used come from the PASEC2014 survey carried out on a representative sample of 3,033 pupils in CM2 and 732 pupils in CP. The propensity score matching method was used to evaluate the impact of canteens on student performance in reading and mathematics and on retention. The results show that canteens have a significant positive impact on student performance in reading and math and a negative impact on school dropout. In other words, canteens improve retention. Canteens improve the academic performance of private students more than those of public schools, even if they contribute more to the retention of children in public schools than those in private schools. This finding suggests a need for further investigation of the differential effects of school lunch types and other socioeconomic factors on school performance and retention.
Keywords: impact, school canteens, performance, retention, pupil
Introduction
Le droit à l’éducation de base est reconnu à tous les enfants du monde sans discrimination aucune (Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, 1789). Le Bénin s’inscrit dans la même ligne droite. Selon l’article 13 du titre II de la constitution béninoise du 11 décembre 1990 qui stipule que « l’État pourvoit à l’éducation de la jeunesse par des écoles publiques. L’enseignement primaire est obligatoire. L’État assure progressivement la gratuité de l’enseignement public. » (Constitution de la République du Bénin du 11 décembre 1990, p4). La focalisation de cet article de la constitution béninoise sur les questions de l’éducation est une illustration de l’importance et du positionnement stratégique de la scolarisation dans le processus de développement socio-économique.
L’Etat Béninois a, avec l’appui de ses partenaires techniques et financiers, consenti d’importants investissements dans le secteur éducatif, notamment en infrastructures scolaires. Il a rendu officiellement gratuit l’accès à l’enseignement maternel et primaire depuis 2006. Cette mesure s’est progressivement élargie aux filles du secondaire, une mesure pour favoriser les personnes vulnérables et réduire les disparités en d’accès à l’éducation.
Malgré une amélioration notable des statistiques scolaires depuis l’indépendance, les questions d’accès et de rétention scolaire restent toujours d’actualité. Selon le RGPH4 (le quatrième Recensement Générale de la Population et de l’Habitat au Bénin en 2013), seulement 65 % de jeunes de 15-24 ans sont alphabétisés. Ce taux est accompagné d’une disparité flagrante entre le milieu rural et celui urbain avec la déperdition scolaire. Au CM2, 50 % et 60,2 % des élèves n’ont pas atteint le seuil suffisant respectivement en français et en mathématiques (RGPH4.). Les taux d’abandons restent élevés et se situent entre 9,2 % et 14,41 % dans la période 2005-2012 (INSAE, TBS 2012). Aussi, la question de la performance scolaire commence à ressurgir de manière plus intense. En 2014, 90,4 % et 66,5 % des élèves du CP n’ont pas atteint le seuil suffisant respectivement en français et en mathématique (PASEC, 2016). Ces taux illustrent le déficit de performance scolaire des élèves.
De nombreuses études se sont intéressées aux facteurs explicatifs de la déperdition et ceux de la performance des apprenants. S’agissant des facteurs scolaires, la plupart des études pointent du doigt les infrastructures scolaires (salle de cours, kits, nombre de places assises, etc.), recrutement et formation des enseignants (Adjé et Amadou Sanni, 2017 ; Boraita, 2014 ; Caille, 2004 ; Diagne et coll., 2008 ; Lauwerier et coll., 2013 ; Houéssigbédé et Alladatin, 2017). Elles affirment sans équivoque la différence des statistiques scolaires entre les ménages aisés et ceux avec une condition de vie précaire (Bless et Bonvin, 2005 ; Houéssigbédé et Alladatin, 2017). Les ménages démunis auraient du mal à faire le suivi scolaire de leurs enfants et seraient souvent obligés de les laisser à la maison ou les envoyer travailler aux champs. Cependant très peu d’études ont mis l’accent sur le rôle prépondérant de l’alimentation scolaire sur la performance scolaire et la rétention des élèves dans le système scolaire. L’alimentation en milieu scolaire présente un double enjeu. Elle vise à lutter contre la malnutrition des enfants. L’insécurité alimentaire ainsi que la malnutrition ne sont pas des problèmes émergents. Elles touchent tous les pays du monde, particulièrement ceux de l’Afrique subsaharienne. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM) plus de 66 millions d’enfants d’âge scolaire vont à l’école le ventre vide, dont 23 millions rien qu’en Afrique (PAM, 2019). Au Bénin, plus de 40 % des enfants de 0 à 5 ans sont malnutris (Assankpon, 2017). « Ventre affamé, n’a point d’oreille » dit-on. Les enfants n’ayant pas accès à une alimentation nutritionnelle de qualité et en quantité suffisante, ont plus de difficultés à apprendre.
Le Bénin, convaincu des multiples bienfaits d’une sécurité alimentaire, a instauré des aides sociales au profit des élèves, les cantines scolaires et les œuvres universitaires. C’est dans ce cadre que le Programme National d’Alimentation Scolaire Intégrée (PNASI) a été initié pour la période 2017-2022. Ce programme d’alimentation scolaire est financé par le gouvernement béninois, Catholic Relief Services (CRS), Programme Alimentaire Mondial (PAM), et le Partenariat Mondial pour l’Éducation (PME). Les cantines scolaires sont en pleine extension, notamment dans les zones d’insécurité alimentaire et des zones vulnérables afin de renforcer l’inscription, la rétention scolaire et améliorer la performance scolaire des élèves. En outre, faute de documentation et de références complètes sur la couverture des cantines scolaires, et plus particulièrement sur ses outputs susceptibles d’améliorer la rétention et la performance scolaire, il nous semble extrêmement opportun à travers la présente étude, de conduire une réflexion sur l’impact des cantines scolaires sur la rétention et la performance scolaire. Nous nous posons particulièrement les questions suivantes : quelle est l’ampleur des cantines scolaires au Bénin ? Quel est l’impact des cantines sur la rétention des élèves béninois ? Le programme de cantine scolaire affecte-t-il la performance scolaire des élèves ? Quel est l’état de la situation suivant le sexe des apprenants ? Existe-t-il une différence significative entre les performances scolaires des élèves des écoles publiques et privées ayant bénéficié du programme de cantines scolaires ? Cette étude tente d’apporter des éléments de réponses à ces questions. La méthode d’appariement sur scores de propension a été utilisée pour estimer l’effet des cantines sur les performances et la rétention scolaire.
1. La littérature autour des cantines scolaires
De nombreuses études ont tenté d’évaluer des programmes de cantines scolaires mis en œuvre par des organismes publics ou privés ou institutions internationales. Les plus anciennes sont menées dans les pays développés, car ce sont ces pays qui ont expérimenté en premier ce type de politique. La plupart des travaux réalisés visent à établir une relation entre les cantines scolaires et les performances des élèves.
1.1. L’enjeu de l’adoption du programme de Cantine scolaire : le cas du Bénin
La cantine scolaire est une pratique très ancienne. La première cantine scolaire a vu le jour à Lannion (Côtes-du-Nord) en 1844, à l’initiative du maire de la ville pour soutenir la scolarisation des enfants des familles pauvres (Nourrisson, 2004). L’idée première des cantines scolaires était de faciliter l’inscription et la rétention scolaire des apprenants issus d’une famille pauvre.
Au Bénin, les programmes de cantines scolaires ont véritablement vu le jour dans les années 2000 (Magee, 2013). Depuis lors, le Bénin enregistre singulièrement des dotations des écoles en cantines scolaires surtout en lieu rural où les enfants sont plus vulnérables. Cette initiative est appuyée par plusieurs programmes nationaux et internationaux tels que : Programme alimentaire mondial (PAM), le financement du programme Nourriture pour la paix de l’Agence des États-Unis pour le développement international, Programme Alimentation scolaire institué par le Gouvernement actuel (Assankpon, 2017 ; Magee, 2013).
L’intervention des cantines scolaires consiste à fournir de l’alimentation saine (totalement gratuite ou à un prix forfaitaire) dans l’enceinte des établissements scolaires. Un repas chaud est offert à midi à tous les apprenants des écoles primaires dotées d’une cantine scolaire (Assankpon, 2017 ; Magee, 2013). La composition du repas varie suivant le jour. Ainsi la faim ne doit plus constituer un frein à l’éducation des enfants. Le graphique suivant résume les multiples bienfaits d’alimentation saine en milieux scolaires.
Graphique 1 : Bienfaits de la cantine scolaire
Source : Notre propre conception à partir de la recension des écrits
1.2. Relation cantine scolaire et éducation : que dise la littérature ?
Pour évaluer l’impact des politiques sur l’apprentissage, les études randomisées sont les plus prometteuses (Glewwe et Kremer, 2006). L’on note l’usage des échantillons de très petites tailles dans la conduite de ces études (Behrman et coll., 2010). Donald T. Siméon dans un article paru en 1998 passe en revue deux études évaluant le programme d’alimentation en Jamaïque. Dans la première étude, 115 enfants âgés de 12 à 13 ans inscrits dans trois différentes classes d’une école rurale pauvre ont été sélectionnés (Siméon, 1998). Après avoir donné un repas scolaire, chaque jour à 9 heures, aux enfants de l’une des trois classes, une évaluation d’impact a été réalisée à la fin d’un semestre en se basant sur les variables suivantes : la réussite scolaire, l’assiduité et le gain de poids. Les résultats ont montré que les enfants ayant bénéficié du programme ont eu de meilleurs résultats en calcul et en assiduité à l’école comparativement aux enfants des deux autres classes n’ayant pas bénéficié du repas scolaire (Siméon, 1998). Dans une deuxième étude, Siméon (1998) a étudié l’effet d’un repas scolaire sur les fonctions cognitives au sein de 90 enfants âgés de 9 à 10 ans. Dans cette deuxième étude, l’auteur est parvenu à la conclusion selon laquelle, le petit-déjeuner améliore les fonctions cognitives des enfants (Siméon, 1998). Une étude réalisée aux États-Unis montre que l’absence du petit-déjeuner entraine des pertes de mémoire et une augmentation des erreurs (Pollitt et coll., 1998). Une autre étude au Pérou conclut qu’il est plausible que chez les enfants présentant un retard de croissance, le surpoids relatif (selon l’indice poids-taille) présente un risque cognitif qui peut être partiellement annulé par un petit-déjeuner à l’école (Jacoby et coll., 1996). Par ailleurs, le petit-déjeuner à l’école améliore le régime alimentaire et la fréquentation scolaire des élèves (Jacoby et coll., 1996). Pour Powell et coll. (1998), l’alimentation scolaire a un effet positif significatif sur la taille, le poids et la fréquentation scolaire. Aussi, le repas scolaire améliore significativement l’humeur et les performances mentales et cognitives des apprenants (Smith, 1993).
Cependant, l’impact est plus significatif chez les enfants les plus jeunes (Powell et coll., 1998). Par rapport à l’effet des cantines scolaires, Diagne et coll., (2008) ont fait le même constat. Les cantines scolaires ont seulement un impact significatif sur le score moyen des élèves les plus jeunes (CP) (Diagne et coll., 2008).
De même, certains auteurs ont mis en exergue les relations qui existent d’une part entre les cantines scolaires et la performance des élèves et d’autre part entre les cantines scolaires et les relations entre les enseignants et les parents d’élèves. Magee (2013), démontre la contribution des cantines scolaires initiées par Catholic Relief Services (CRS) sur l’inscription des élèves et leur maintien à l’école grâce à la collaboration des parents. Ainsi, il démontre que les cantines scolaires ont un effet positif sur l’inscription et la rétention scolaires (Magee, 2013). Une école ayant une cantine scolaire enregistre un accroissement considérable du nombre des inscriptions comparativement à une école non bénéficiaire. De même, les cantines scolaires jouent un rôle fondamental dans le maintien des élèves à l’école (Magee, 2013). Tiendrebeogo, (2008) a abouti aux mêmes conclusions. Les cantines scolaires ont un impact positif sur les redoublements d’où l’augmentation de la rétention scolaire (Tiendrebeogo, 2008). Cependant, ces élèves qui reprennent des classes auraient abandonné en l’absence d’une cantine scolaire (). Ainsi, les cantines scolaires contribuent à la réduction des abandons. Cependant, Diagne et coll. (2008) trouvent des résultats tout à fait contraires. Ils arrivent à la conclusion selon laquelle les cantines scolaires réduisent de 0,17 point de pourcentage les taux de redoublement. En effet, elles améliorent de 6,03 % points le pourcentage des acquisitions cognitives des élèves. Selon Diagne et coll. (2008), les cantines scolaires ont seulement un impact significatif sur le score moyen des élèves les plus jeunes (CP). Ils trouvent aussi un élément très important à savoir que les cantines scolaires n’améliorent que le score moyen des filles de 6,39 points. Les cantines scolaires n’ont donc qu’un impact significatif sur les filles et les élèves les plus jeunes (Diagne et coll., 2008). Pour ce qui concerne la rétention scolaire, une école bénéficiaire connaît une diminution du taux d’abandons scolaires de 1,74 point de pourcentage (Diagne et coll., 2008). Diagne et coll. rejoignent donc Tiendrebeogo sur le fait que les cantines scolaires améliorent la rétention scolaire des élèves.
2. Matériels et méthode
2.1. Source de données
Les analyses empiriques sont réalisées à partir des données transversales provenant du système d’observation du Programme d’Analyse des Systèmes Educatifs de la CONFEMEN collectées en 2014 (PASEC 2014). Les enquêtes PASEC sont réalisées dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest afin de décrire les contextes éducatifs et mieux comprendre la relation entre l’environnement familial, le milieu scolaire et la performance des élèves. Les informations sont collectées auprès de trois catégories d’acteurs du système éducatif primaire dans les pays membres. Il s’agit des élèves de la deuxième année (CP) et de la sixième année (CM2) du primaire, des maîtres et des directeurs d’écoles. L’évaluation PASEC 2014 a porté sur les champs contextuels suivant : le pays, son système éducatif et ses régions, les caractéristiques de l’élève et de son milieu familial, la scolarité et les expériences antérieures de l’élève, l’environnement de l’école et de la classe, les compétences, attitudes et stratégies de l’élève et le niveau de connaissances, compétences et aptitudes de l’élève (PASEC, 2016). La performance scolaire est mesurée par des tests standardisés individuellement administrés aux élèves.
Ce
2.1
Échantillonnage
Pour
avoir une meilleure précision de l’échantillon, les écoles faisant partie de
la base de données scolaire ont été scindées en groupes, appelés strates[1] suivant des variables déterminantes dites « variables de
stratification ». Ainsi, les élèves faisant partie de l’échantillon dans
chacune des strates sont proportionnellement représentés dans l’ensemble de
la population des élèves de niveau 2 et 6 au cours de l’année
scolaire 2012-2013[2]. Une fois les six strates constituées, l’échantillonnage
s’est fait suivant trois étapes ainsi présentées :
i.
Dans un premier
temps, 180 écoles ont été sélectionnées de façon systématique et
proportionnellement au nombre d’élèves des niveaux 2 et 6. Cette sélection
s’est faite à partir des écoles existantes au cours de l’année 2012-2013,
disposant d’au moins une classe de niveau 2 ou 6, et dont la structure
convient à celle définie en fonction des strates. La passation individuelle
des tests en 2e année serait un peu plus complexe. De plus, pour harmoniser
les pratiques d’administration de tests, l’échantillon des écoles a été
réduit au niveau des écoles pour le début de scolarité. Ainsi, pour le début
de scolarité, un échantillon de 90 écoles a été retenu pour participer à
l’enquête.
ii.
Le deuxième
niveau d’échantillonnage est au niveau école et a consisté à faire une
sélection aléatoire simple d’une classe de fin de scolarité dans l’ensemble
des classes du même niveau au cas où il y en a plus d’une classe. Sinon, la
seule classe de 6ème année est d’office sélectionnée. La même
démarche est suivie pour sélectionner la classe de deuxième année devant
participer à l’enquête.
iii.
Enfin, le
troisième niveau d’échantillonnage a permis de sélectionner les élèves à
administrer les tests. Ainsi, au niveau des classes de 6ème année,
20 élèves sont sélectionnés de façon aléatoire s’il y a plus de 20 élèves.
Sinon, tous les élèves sont sélectionnés. En début de scolarité, pour des
raisons de standardisation des tests individualisés, seulement 10 élèves ont
été sélectionnés par classe suivant la même procédure adoptée en fin de
scolarité primaire.
Les tailles des échantillons et les taux de participation à
l’enquête sont présentés dans les tableaux 3 et 4 en annexes.
Au total, 3033 élèves de CM2 provenant de 165 écoles
différentes et 732 élèves du CP de 80 établissements différents ont
effectivement participé à l’enquête. Le tableau 5 en annexe présente la
répartition des élèves ayant participé à l’enquête par niveau et par sexe.
L’âge moyen des élèves du CP est de 6,81 avec un écart type de 1,18 alors
que l’âge moyen au CM2 est de 11,97 ans avec un écart type de 1,67.
2.3. Méthode d’analyse utilisée : la méthode d’appariement sur score de propension (PSM)
Les La méthode d’appariement sur score de propension (Propensity Score Matching) est une méthode quantitative d’évaluation d’impact introduite en 1983 par Rosenbaum Robin. Au cours de ces dernières années, plusieurs auteurs ont utilisé cette méthode pour évaluer l’impact d’un repas scolaire sur les acquisitions cognitives et la rétention scolaire (Cueto, 2001 ; Murphy, 1998 ; Powell et coll., 1998). Elle est utilisée lorsqu’il y a absence de randomisation, c’est-à-dire lorsqu’il y a des biais de sélection. L’appariement sur score de propension consiste à jumeler chaque individu du groupe de traitement avec un (ou plusieurs) individu (s) du groupe de contrôle dont les scores de propension sont les plus proches possibles.
La mise en œuvre pratique de la méthode d’appariement sur score de propension se fait en trois grandes étapes. La première étape consiste à estimer le score de propension. Le score de propension se définit comme la probabilité pour un individu de recevoir le traitement T sur la base des caractéristiques X observables. On a alors P (X) = P (T=1/X) où T={0,1} 1 si l’élève est dans une école disposant d’une cantine scolaire fonctionnelle et 0 sinon.
Au niveau de la deuxième étape, il s’agit de la vérification de l’hypothèse d’équilibre (le balancing property). Encore appelée hypothèse d’indépendance conditionnelle (Conditional Independance Assumption – CIA), cette hypothèse stipule que si la variable de résultat Z est indépendante de l’exposition au traitement T conditionnellement aux variables observées X, alors Z est aussi indépendante du traitement T conditionnellement à la distribution de score de propension au traitement. Pour satisfaire cette condition, il faut choisir la bonne combinaison de variables X observées. En fait cette hypothèse peut être vérifiée pour une combinaison de variables observables et ne pas l’être pour une autre. Il faut aussi se limiter à la région du support commun. La zone de support commun (overlap) est la zone dans laquelle il existe des individus traités qui ont la même (ou presque la même) valeur de score de propension que les individus du groupe de comparaison. Ainsi :
On admet que si Z ┴ T/X □(⇒┬ ) Z ┴ T/P (X) alors P (X) = P
(T=1/X) (i).
La troisième étape est celle du calcul de
l’Effet Moyen du Traitement sur les Traités (Average Treatment Effect on
Treated – ATT). Si la condition d’équilibre est respectée, alors l’effet
moyen du traitement sur les traités pour un échantillon est égal à la
différence de l’effet moyen entre les deux groupes ; c’est-à-dire les
bénéficiaires et les non-bénéficiaires. Cela se traduit par la formule
suivante :
ATT=E(Z_1-Z_0 )/T=1)=E{(Z_1-Z_0 )/T=1,P(X)} (ii)
D’où ATT= =E(Z_1/T_1;P(X)) - E(Z_0/T_0;P(X)) (iii)
Pour s’assurer de la validité de l’hypothèse d’indépendance
conditionnelle, on utilise le plus souvent plusieurs algorithmes
d’appariement pour estimer l’effet moyen du traitement sur les traités. Les
plus utilisés sont : Nearest Neighbors Matching (NNM), Radius
Matching (RM), Kernel Matching (KM) et Stratification
Matching (SM).
La méthode de Nearest Neighbors Matching (NNM) consiste à apparier
un individu du groupe de traitement à un ou plusieurs individus du groupe de
contrôle dont les scores de propension sont les plus proches possible du
score de propension de cet individu. Ici, il n’y a pas de possibilité de
remise. Cela pourrait induire à des appariements de mauvaises qualités. Pour
résoudre le problème, on procède à un appariement avec remise : c’est la
méthode de Radius Matching (RM). Selon cette méthode, chaque traité
est apparié avec le non traité dont le score de propension est dans une zone
prédéfinie du score de propension (rayon) de l’individu traité. Quant à la
méthode de Kernel Matching (KM), tous les sujets traités sont
appariés avec un poids moyen de tous les sujets de contrôle inversement
proportionnel à la distance entre le score de propension des unités traitées
et non traitées. Enfin, la méthode de Stratification Matching (SM)
consiste à diviser le score de propension en plusieurs blocs de telle sorte
qu’à l’intérieur de chaque bloc, les individus traités et non traités aient,
en moyenne, le même score de propension. L’effet moyen du traitement sur les
traités est obtenu en faisant la moyenne de l’effet moyen du traitement de
chaque bloc avec des poids donnés par la distribution des individus traités
à travers les blocs. Les trois méthodes d’appariement permettent de croiser
les résultats pour prendre une décision. Elles sont complémentaires d’une
certaine façon. Comme nous l’avons souligné un peu plus haut, le recours à
ces trois méthodes répond au souci de s’assurer de la validité de
l’hypothèse d’indépendance conditionnelle.
Dans le cadre de cette étude, nous avons utilisé le programme
informatique pscore.do, développé par Becker et Ichino (2002) pour estimer
l’effet des cantines scolaires sur les performances et la rétention scolaire
des élèves. Le logiciel Stata version 13 a été l’outil utilisé pour les
estimations empiriques.
2.4. Vérification des hypothèses du PSM (Propensity Scores Matching)
Le graphique 2 montre les distributions des scores de
propensions liés à l’accès à une cantine scolaire respectivement au niveau
du CP et du CM2. Ces deux graphiques révèlent une certaine homogénéité des
scores de propension entre les traités et les non-traités. Nous pouvons
alors dire que les individus ayant bénéficié des cantines (Treated)
et ceux n’ayant pas bénéficié (Untreated) sont sensiblement
identiques sur la base de leurs caractéristiques observées évaluée ici par
le score de propension (Popensity Score).
Les tableaux 10 et 11 (Annexe) rapportent les distributions
des scores de propension d’accès à la cantine scolaire. Ces deux tableaux
montrent que la condition d’équilibre est respectée en considérant les
pourcentages obtenus. Ainsi nous pouvons déterminer l’effet du programme sur
les traités.
3. Résultats et discussion
De manière générale, les analyses soulignent une influence
positive cantines scolaires sur la performance des élèves et leur rétention
à l’école. Même si les questions de rétention et de performance scolaire
restent d’actualité, les cantines scolaires permettent de les amoindrir.
Cependant, ces cantines n’affectent pas les élèves de la même façon.
3.1. Profil des élèves enquêtés
Au total, l’échantillon d’étude est constitué de 3765 apprenants bénéficiant ou non d’un programme de cantine scolaire. Les élèves de CP ont en générale un âge compris entre 6 et 7 ans avec une moyenne de 6,80 ans. Ceux du CM2 sont pour la plupart âgés de 11 à 13 ans avec une moyenne de 12 ans. On note une répartition non égalitaire selon le sexe des élèves. Les filles sont majoritaires dans l’échantillon d’étude, quel que soit le niveau d’étude.
La performance scolaire des élèves est mesurée dans deux
matières (Mathématique et Français) avec des tests standardisés. La
performance des élèves béninois présente encore beaucoup de lacunes
(Lauwerier et coll., 2013). Le graphique 3 renseigne sur la compétence en
langue et en mathématique des élèves suivant leurs niveaux d’études. De
l’analyse de ce graphique, il ressort que plus de 90 % des apprenants du CP
n’ont pas la compétence requise en lecture. Les élèves du CM2 ressentent
également des difficultés en lecture. Seulement 51,70 % ont atteint le seuil
requis de compétence en lecture. Les statistiques ne sont pas meilleures non
plus en mathématique. Moins de 40 % des apprenants du CM2 ont réussi le test
en mathématique contre 33,5 % des apprenants du CP. Ces résultats mettent en
exergue les problèmes de performance scolaires des apprenants.
Graphique 3 : Compétence en langue (lecture) et en mathématique des élèves béninois.
3.2. Effet des cantines scolaires sur les performances scolaires
Sur les 3765 élèves enquêtés, 1461 fréquentent les cantines scolaires, soit une proportion de 0,3883. Le tableau 13 (Annexe) montre que les élèves de CM2, fréquentant une école ayant une cantine fonctionnelle ont plus de chance d’avoir de bonnes compétences en français et en mathématiques comparativement aux non-bénéficiaires. Cependant, ils sont plus susceptibles au risque d’abandon que les autres. Les écoles disposant d’une cantine scolaire enregistrent plus d’abandons au CM2 que les écoles qui n’en disposent pas (1,385 contre 1,026). À l’inverse, nous constatons qu’au niveau CP, les écoles disposant de cantine scolaire enregistrent moins d’abandons que celles qui n’en disposent pas (2,94 contre 2,05). La différence de compétence en lecture et en mathématiques n’est pas statistiquement significative avec le test de comparaison de moyenne réalisée (p-value = 0,8 et p-value=0,6 respectivement). Les cantines scolaires semblent favoriser la rétention des apprenants de bas niveau d’étude et améliorent la performance des élèves du niveau d’étude élevé au primaire.
Le tableau 1 présente l’effet des cantines scolaires sur les
performances et la rétention scolaire des élèves du CP par la méthode des
scores de propension. Les résultats contenus dans ce tableau révèlent que,
quel que soit l’algorithme d’appariement utilisé, les cantines scolaires ont
un impact positif significatif aussi bien sur les scores des élèves en
lecture qu’en mathématique et un impact négatif sur l’abandon scolaire. Ces
résultats confirment ceux de la comparaison de moyenne.
Tableau 1 : Effet des cantines scolaires sur les performances et la rétention scolaire des élèves du CP par la méthode des scores de propension.
Variables d’intérêt |
Méthodes |
Accès aux cantines |
Non accès aux cantines |
ATT |
Ecart-type |
T- test |
P-value |
Score en lecture |
Fonction d’appariement de Nearest Neighbor |
269 |
239 |
17,707 |
6,891 |
2,569 |
0,0001 |
Fonction d’appariement de Radius |
229 |
208 |
14,297 |
6,961 |
2,054 |
0,0003 |
|
Fonction d’appariement de Kernel |
269 |
427 |
12,281 |
6,292 |
1,952 |
0,0001 |
|
Appariement par stratification |
269 |
427 |
12,113 |
5,223 |
2,319 |
0,0001 |
|
Score en maths |
Fonction d’appariement de Nearest Neighbor |
269 |
239 |
12,791 |
9,096 |
1,406 |
0,0002 |
Fonction d’appariement de Radius |
229 |
208 |
12,416 |
9,882 |
1,257 |
0,0001 |
|
Fonction d’appariement de Kernel |
269 |
427 |
6,979 |
6,583 |
1,060 |
0,0001 |
|
Appariement par stratification |
269 |
427 |
6,301 |
7,005 |
0,900 |
0,0001 |
|
Score global |
Fonction d’appariement de Nearest Neighbor |
269 |
239 |
15,249 |
6,389 |
2,387 |
0,0001 |
Fonction d’appariement de Radius |
229 |
208 |
13,357 |
7,851 |
1,701 |
0,0004 |
|
Fonction d’appariement de Kernel |
269 |
427 |
9,630 |
5,621 |
1,713 |
0,0001 |
|
Appariement par stratification |
269 |
427 |
9,207 |
5,918 |
1,556 |
0,0001 |
|
Nombre d’abandons |
Fonction d’appariement de Nearest Neighbor |
269 |
239 |
-1,127 |
0,357 |
-3,156 |
0,0001 |
Fonction d’appariement de Radius |
229 |
208 |
-0,258 |
0,312 |
-0,827 |
0,0001 |
|
Fonction d’appariement de Kernel |
269 |
427 |
-0,618 |
0,252 |
-2,454 |
0,0003 |
|
Appariement par stratification |
269 |
427 |
-0,690 |
0,223 |
-3,089 |
0,0001 |
Il en ressort que l’effet moyen d’une cantine scolaire sur le score en
lecture des élèves bénéficiaires, au seuil de 5 %, est de 17,707 selon la
méthode du plus proche voisin (Nearest Neighbor Matching), de 14,297 selon
la fonction d’appariement de Radius, de 12,281 selon la fonction
d’appariement de Kernel et de 12,113 selon la méthode d’appariement par
stratification. Remarquons que cet impact se situe dans l’intervalle de
12,113 et de 17,707. Ces valeurs sont proches, cela confirme l’hypothèse
d’indépendance conditionnelle. Ainsi, nous pouvons en déduire que l’accès à
une cantine scolaire améliore les performances, en lecture, des élèves du
CP. En ce qui concerne les scores en maths, l’effet moyen est, au seuil de 5
%, de 12,791 selon la fonction d’appariement de Nearest Neighbor, de 12,416
selon la fonction d’appariement de Radius, de 6,979 selon la fonction
d’appariement de Kernel et de 6,301 selon
Variables
d’intérêt |
Méthodes |
Accès aux
cantines |
Non accès
aux cantines |
ATT |
Ecart-type |
T- test |
P-value |
Score en
lecture |
Fonction
d’appariement de Nearest Neighbor |
1191 |
1691 |
-2,543 |
3,801 |
-0,669 |
0,0001 |
Fonction
d’appariement de Radius |
1117 |
1677 |
5,505 |
4,496 |
1,225 |
0,0001 |
|
Fonction
d’appariement de Kernel |
1191 |
1842 |
5,758 |
3,815 |
1,509 |
0,0003 |
|
Appariement
par stratification |
1190 |
1843 |
2,862 |
3,626 |
0,789 |
0,0001 |
|
Score en
maths |
Fonction
d’appariement de Nearest Neighbor |
1191 |
1691 |
1,281 |
3,450 |
0,371 |
0,0001 |
Fonction
d’appariement de Radius |
1117 |
1677 |
3,703 |
3,629 |
1,020 |
0,0001 |
|
Fonction
d’appariement de Kernel |
1191 |
1842 |
7,200 |
3,363 |
2,141 |
0,0004 |
|
Appariement
par stratification |
1190 |
1843 |
5,438 |
3,329 |
1,634 |
0,0001 |
|
Score global |
Fonction
d’appariement de Nearest Neighbor |
1191 |
1691 |
-0,631 |
3,374 |
-0,187 |
0,0001 |
Fonction
d’appariement de Radius |
1117 |
1677 |
4,611 |
4,043 |
1,141 |
0,0001 |
|
Fonction
d’appariement de Kernel |
1191 |
1842 |
6,479 |
3,435 |
1,886 |
0,0001 |
|
Appariement
par stratification |
1190 |
1843 |
4,150 |
3,391 |
1,224 |
0,0001 |
|
Nombre
d’abandons |
Fonction
d’appariement de Nearest Neighbor |
1191 |
1691 |
0,364 |
0,076 |
4,812 |
0,0002 |
Fonction
d’appariement de Radius |
1117 |
1677 |
0,429 |
0,083 |
5,169 |
0,0001 |
|
Fonction
d’appariement de Kernel |
1191 |
1842 |
0,355 |
0,070 |
5,051 |
0,0001 |
|
Appariement
par stratification |
1190 |
1843 |
0,352 |
0,067 |
5,237 |
0,0004 |
Source : Nos travaux à partir de l’enquête PASEC, 2014
Notes:
[1]
Regroupement par départements deux-à-deux appelés régions, type
d’écoles (public, privé)
[2]
9647 écoles au cours de l’année scolaire 2012-2013 (Institut
National de la Statistique et de l’Analyse Economique, Annuaire
statistique 2014)
Références
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